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• Centres de... plaisir ?

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Californie. Il y a plus de 15 ans.

L'amie qui me reçoit me propose au bout de quelques jours de séjour, d'aller dans un "mall". Un Mall ? C'est quoi ? A l'époque, je ne sais pas. Je pense à une déclinaison de Disneyland, comme le Seaworld de San Diego. Alors ce "Mallland" ou "Mallworld", quel type de parc d'attraction serait-ce ?

applaudissons.jpg 

C'était il y a plus de 15 ans, sur un autre continent. Un "peuple" lointain dont on aime à se distinguer. Ah ces Américains ! Pourtant. Dans cette bonne vieille Europe, depuis quelques années, les centres commerciaux se revêtent de leurs plus beaux atours. Se travestissent : centres commerciaux ou centres de plaisir ? Parce que je le veux bien. Je. Tu. Il. Elle.

 

centre_comm.jpgQu'est-ce qui fait préférer à une expo, les enfilades de magasins ? Il est vrai que là s'exposent des produits à portée de main, à portée de budget. Qu'un musée ou une lecture ne rajouteront pas de trophées à nos collections d'objets... leurs traces en nous jouent d'un autre registre, tout en subtilité.

 

Je ne cherche pas à interroger l'espace de consommation que sont les centres commerciaux, mais leur fonction dérivée  : lieux de loisirs, de plaisirs. Scruter ces angles qui leur permettent de se substituer aux lieux de culture, mine de rien. Glissements dangereux. Métamorphoses en profondeur que nous transmettons aux générations futures.

"Tu ne sais pas comment t'amuser ? Va faire un tour au centre commercial ! Tu n'as rien à acheter ? Et alors ! Juste pour voir !"

 

Bribes entendues :

- "Besoin de rien. Pour regarder. Et puis, ça me donne des idées."

Est-ce dans les devantures des vitrines que s'étalent dorénavant indolemment nos nouvelles sources d'idées ? Que nous puisons nos inspirations ?

- "Rien à acheter... pour simplement regarder."

Mais qu'y a-t-il donc à regarder dans un centre commercial qu'on n'aurait pas déjà vu ?

 

archi.jpgArchitectures élaborées, comme de modernes monuments d'antan. Verdure, arbres géants. Couleurs et matières nouvelles.  Raffinement extrême pour certains : les endroits "select".

Marketing étudié, sites dédiés où l'on suit l'évolution des constructions comme s'il s'agissait d'une grossesse. L'avant, le pendant, l'après. Espace, lumière, transparence... Attention, on ne peut pas les comparer à ces simples lieux commerciaux qui s'affichaient comme tels, avant l'explosion de ces nouveaux géants ! Malgré la permanence de l'offre proposée, en définitive.

 

Fête des sens : voir, toucher la marchandise. Se laisser envahir par des odeurs qui empoignent l'appétit à toutes heures. Autour d'enseignes sans surprise, resto, cinéma... saupoudrent le lieu de pincées de rêves. Air confiné, reconstitué. Saturé de musiques, d'annonces de haut parleur où des voix nous accompagnent dans notre visite. Et gratuitement ! Pas comme les audio-guides des expositions !

 

temps-.jpgTout est là pour provoquer le désir, mais quel désir ? Pour répondre à l'attente, mais quelle attente ? Pour combler un vide, mais le remplir de quoi ?

 

Tout est là pour nous distraire. Pour nous aider à tuer le temps. Mais pourquoi cette haine contre le temps ? Quand nous nous plaignons de toujours manquer de temps.

 

 

Je ne me situe pas à l'extérieur de ce format de vie. Je ne parle pas d'une quelconque place qui m'épargnerait son joug. Il m'arrive de m'y perdre. Mauvaise errance qui me coupe de toute intériorité, à l'opposé de ces promenades qui souvent ouvrent le dialogue en moi, déploient mots et pensées.

 

Ici, la déambulation tourne vite en hypnose. Je hante ces lieux, sans connections intérieures. Et d'en ressortir vidée. Sans aucune idée de ce qui m'aurait été dérobé dans ces instants de plongeons. Je n'aime pas l'idée de ce vol aveugle : si au moins je savais ce que j'y perds... à part mon temps.

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Me vient une idée en écrivant ce billet : si notre addiction à ces lieux continue, "nos fabricants de concepts" pourraient rendre les entrées aux centres commerciaux payantes ! Voila une piste à explorer  ! Pour de nouvelles formes de culture, autour du vide et du trop plein de rien.

 

Gracia Bejjani-Perrot

Publié dans tout y passe

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• Méfiez-vous des grands méchants "classiques"

Publié le par brouillons-de-culture.fr

"Quand j'entends le mot "culture", je sors mon revolver". On  devrait toujours avoir présent à l'esprit cette phrase de Hanns Johst, "le barde de la SS". Ce délicat aphorisme serait à l'origine « Wenn ich Kultur höre... entsichere ich meinen Browning » (Quand j’entends le mot culture [ou civilisation]... j’enlève le cran de sureté de mon Browning). C'est l'un des personnages d'une des pièces, donnée le jour de l'anniversaire d'Hitler, qui la prononce. Elle fut naturellement reprise à l'envi par tous les proches du Führer et n'en demeure pas moins symptomatique, à mon sens, de la "politique culturelle" des tyrans.

Pourquoi ? Parce qu'une des grandes obsessions des tyrans fut de tous temps que le peuple ne lise pas. Il y a dans certains livres des choses dangereuses. Déstabilisantes. Remettant en question les certitudes les mieux établies. Germes d'éveil essentiels. Pistes de réflexions risquées, qui nous rendraient libres de tout pouvoir d'oppression. En un mot comme en cent, éminemment subversives.

Il existe d'autres moyens que la censure pure et simple pour mettre un livre au banc de nos curiosités. Par exemple en lui accordant le statut d'œuvre classique.

 

Il suffit en effet d'enfermer un livre dans la catégorie "classiques" pour que soit oublié le parfum de scandale qui l'entourait à sa sortie et qu'on lui vote d'emblée un "crédit de confiance". En oubliant bien entendu de se pencher sur l'œuvre elle-même… Un alignement somme toutes bien pratique, qui nous absout de porter sur ces livres le moindre regard personnel.

nabokov.jpg

Or, si "Madame Bovary", en dépit de son humour grinçant, ne soulève guère en nous d'indignation, "Le rouge et le noir", comme "Les fleurs du mal", pour qui prend la peine de les lire, demeurent encore aujourd'hui des livres dérangeants.

Le héros de Stendhal devient curé par ambition, séduit une femme mariée, tombe amoureux d'une autre, s'en détache, redevient amoureux de la première et finit décapité. Ses amantes finiront par se partager sa tête, qu'elles ont monnayée au bourreau.

 

lolita_stanley-kubrick_080715031503.jpg

"Lolita" est incontestablement un classique du XXème siècle. Sur la foi d'un tel statut, on se persuade aisément, sans l'avoir lu ou relu, que si Nabokov a poussé "un peu loin le bouchon", le livre ne mériterait plus aujourd'hui semblable levée de boucliers. Nous ne sommes plus dans les années soixante, que diable !

 

Je n'étais pas loin de partager un tel à priori, sans m'être pour autant penché sur le livre incriminé. Une lecture qui, je l'avoue, ne fut pas de tous repos. Je fus choqué, heurté, malmené, dérangé, mal à l'aise, et souvent tenté d'abandonner là. Non que l'écriture, souvent somptueuse me fit jamais douter du talent de l'auteur. Mais peut-être en raison de cette plume même, qui décrit avec délices les pires abominations. D'autant que "Lolita" est sensé être narré à la première personne par l'auteur même de ces forfaits, le pervers Humbert Humbert.

 

Cet homme de trente-cinq ans, élégant, cultivé et quelque peu imbu de lui-même, tente en permanence d'attirer la sympathie sur son cas. Une option dont il ne se départira que vers la fin de l'ouvrage. À se demander s'il s'agit du même qui abuse pendant plus d'un an, et jusqu'à trois fois par jour, d'une fillette de douze ans, sans que celle-ci en retire le moindre plaisir. Qui multiplie les menaces pour la maintenir sous sa coupe, et ira jusqu'à occire l'homme qui le lui a enlevée, pédophile comme lui, madavidhamilton.jpgis que Lolita aime.

 

Ne cherchez pas d'échappatoire, car "Lolita" est un enfer sans issue. Cru, terriblement cru. Sexuellement très explicite, même s'il n'use d'aucun mot vulgaire. Je soupçonne celui qui créa l'expression "lolycéenne" pour décrire des femmes-enfants de seize ans, de n'avoir jamais lu "Lolita". Pour Humbert Humbert, la nymphette a entre neuf et quatorze ans. Une lycéenne demeure pour lui une vision d'horreur, au même titre que toute expression d'une féminité qui s'affirme. Ainsi est-il révulsé par les femmes qui le courtisent, dont la mère de Lolita, qu'il n'épouse que pour mieux séduire sa fille et qui mourra, très opportunément, au tout début du roman.

 

Certes, l'homme est amoureux, mais ne parvient qu'à détruire. Sans se définir comme "pervers", il n'en passe pas moins à l'acte. "Lolita" est amoral, et plus terrible que tout, il ne juge personne. Humbert Humbert n'est pas un monstre, juste un être humain qui dérape.

 

Car en dépit de tout cela, Nabokov parvient à nous le rendre touchant. Un exploit que ne pouvait à coup sûr accomplir qu'un écrivain d'envergure. Pages littérairement somptueuses que celles où notre anti-héros chante sa passion pour Lo, décrit avec un sens de l'observation rare et une plume portée par la grâce la manière dont Lolita occupe l'espace quand elle joue au tennis. À tel point qu'on en vient presque à oublier que ces hymnes élégiaques s'adressent à une pré-adolescente.

Nabokov nous retourne le cœur et l'esprit comme un gant, instillant lentement en nous cette notion salutaire : le doute. Qui sommes-nous pour juger, jauger ce que nous ne comprenons pas ?

 

C'est cette humanité même qui s'avère en réalité profondément subversive, à l'heure où l'on semble prôner un retour au manichéisme.

 

Alors oui, méfiez vous des grands méchants classiques… ils contiennent quelquefois des venins pernicieux qui s'insinuent dans l'âme …

 

Pascal Perrot

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• Musiciens post-modernes : les méconnus et la relève

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Si les piliers de la musique post-moderne, bien que solidement ancrés dans le présent, ne sauraient être taxés de "jeunes premiers", dieu merci la relève existe. Multiforme et chamarrée, mais portant haut les couleurs d'une musique d'aujourd'hui, ancrée dans son glorieux passé. Tout en se projetant dans l'avenir, en osant parfois des métissages inédits.

 

Dans le grand vivier de ces classiques hardcore (nous ne sommes pas chez Walt Disney ni Claydermann, cette musique charrie des émotions fortes et parfois déstabilisantes), j'aimerais tout d'abord me pencher sur quelques fleurons méconnus. De ceux qu'il est bon d'inviter au gré d'une anthologie, leur contribution imprimant toujours à l'ensemble une identité forte. Ils n'offrent ainsi au regard qu'une discographie fragmentée.

 

 

PeterisVasks.gif

Peteris Vasks, enthousiasmant sexagénaire qui ne recule devant rien pour que la magie s'installe. Ni à recourir au plus pur classicisme, pour, en dépit des contraintes que celui-ci exige, accoucher d'œuvres nouvelles et fortes. Ni à frayer avec le jazz ou les musiques orientales pour les intégrer à son univers. Ni à intégrer l'apport des plus radicaux des contemporains en petites touches impressionnistes, de la plus judicieuse manière. Ni à retrouver les voies, peu empruntées de nos jours, du plus époustouflant lyrisme comme dans le somptueux "Musica Adventus". Au terme de telles explorations, le miracle toujours est au rendez-vous, beau à vous en tirer des larmes.

 

 

 

Tuur.jpgErkki-Sven Tüür a, quant à lui, déjà connu les honneurs de CD intégralement consacrés à ses œuvres. Pourtant, paradoxalement, le meilleur de son œuvre se trouve, à mon sens, dispersé dans les "best off" de musiques d'aujourd'hui. Comme le faramineux "Lighthouse", par exemple. Si l'écoute s'en avère éminemment stimulante, on ne saurait en tous cas la qualifier d'apaisante. Ici, le contemporain radical croise le fer avec la musique classique, dans un duel de haut niveau. Dissonances étudiées et grandes envolées, s'alternant, se percutant forment un ensemble qui vous laisse essoré et k.o, mais qui dans le même temps grandit l'âme.

 

 

 

 

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Toute autre est la musique du finlandais Veljo Tormis. Sa matière sonore favorite : la voix humaine, qu'il modèle à l'envi en éblouissantes sculptures chorales. Et l'on assiste émerveillé à l'impossible fusion entre le Carl Orff des Carmina Burana, les lieds de Sibelius et le Fauré du Requiem. Une musique chatoyante, colorée, marquée par son appartenance nordique mais fortement enracinée dans le monde.

 

 

 

 

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Omar Yagoubi est un cas. Star au Japon, connu dans de nombreux pays, ses œuvres sont jouées un peu partout. Pourtant, en France, où il demeure, la renommée de ce compositeur de grande envergure n'est pas à la hauteur de son talent. Il y a vingt ans, il offrait des œuvres pour piano stupéfiantes, entre Scriabine et Poulhenc, marquées de manière sous-jacente par une forte influence lisztienne. Or, malgré des sources d'inspiration écrasantes, l'homme arrivait à imposer un monde qui lui était propre, notamment au travers de l'utilisation bien comprise de la musique orientale.

 

 

Ces opuDoigts-d-Omar.jpgs pourtant scotchants font figure de simples mises en bouche en regard de ses plus récentes créations. Un Stabat Mater de toute splendeur, un concerto pour percussions d'une virtuosité imparable, et tant et tant d'autres merveilles, que l'on peut se procurer auprès du compositeur, réunies dans le coffret "Le jardin des délices".

 

 

 

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Bruno Letort, génial caméléon, sait ajouter sa propre couleur à celles de la palette dont il use.  Côté pile, on prend de plein fouet  la modernité la plus radicale. Étrange territoire, où même mon oreille -couvrant pourtant un large spectre musical- peut s'avérer déconcertée. Côté face, un post-classicisme habité. Mêlant quelquefois les deux en superbes bouquets sonores. S'offrant des escapades en terres électroniques. Ce compositeur demeure une sorte d'inclassable ludion, surfant au gré de ses envies dans les mondes qui s'offrent à lui. Sa discographie comprend déjà de nombreux CD, auxquels il faut ajouter les disques en téléchargement. Et comporte multiples œuvres d'ores et déjà incontournables.

 

 

 

Artaud-basse.JPGQue dire dès lors de Vincent Artaud ? Et comment définir sa musique mutante, impeccable fusion entre jazz, électronique, musiques de l'est, word music et post-modernes ? Chacune de ses compositions soulève en moi enthousiasme et jubilation. L'impression rare de pénétrer sur des terres jamais défrichées et de s'y sentir bien. Porté par un souffle venu d'ailleurs sur une route ponctuée de surprises. Deux CD à son actif, qui alignent les perles musicales avec une constance remarquable, ce jeune musicien n'a pas fini de faire parler de lui.

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Ce panorama ne saurait, bien entendu, être exhaustif. J'espère cependant qu'il vous aura donné l'envie de fouiner, de fouiller, pour aller plus loin. Et entendre le cœur battant de la musique d'aujourd'hui.

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans polyphonies

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• Akram Khan, Gnosis

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Akram Khan et ses musiciens. Éblouissants. Imprévu moment de jubilation. De plaisir brut. Comme nous en octroie la grâce du hasard.

Retenue par des vacances non programmées quand elle avait réservé sa place, mon amie Fatima me propose le billet. Danse, Inde : j'accepte sans connaître le travail du chorégraphe et de sa compagnie. J'ai même peur de zapper la date. "Le 15 mai, le 15 mai... Théâtre des Abbesses... Akram Khan, le 15 mai... "

 

De ces spectacles où vous réalisez subitement que vous oubliez de respirer. Involontaire record d'apnée. Pas de suspens d'intrigue comme dans un film, mais sens en suspens. Tout en soi suspendu à ces instants.

Il y a heureusement des moments où mon attention/tension se relâchent, j'accroche moins. Tant mieux, je retrouve mon souffle. Très brefs moments, je suis de nouveau empoignée. Sans plus de répit, jusqu'aux salves d'applaudissements en fin de spectacle.

 

 

Gnosis, en deux parties.

La première, un solo. Kathak, danse traditionnelle indienne. Mais peut-on vraiment qualifier de solo cette chorégraphie quand les musiciens accompagnent si pleinement le danseur ? Soudés à ses mouvements, comme s'ils les exécutaient eux-mêmes dans l'ombre sonore. Soudés et autonomes. Tabla, sarod, violoncellie, vocalises, percussions de tambours taiko.

L'énergie circule entre musique, danse, voix. S'amplifie de leurs entrelacs. Gonfle, éclate... et je me retiens d'applaudir au milieu d'un enchaînement.

 

image_86.jpgSur scène, Akram Khan alterne ses prises, calligraphies de l'espace. Saccadées, arrondies, volubiles... Accélérations suivies d'arrêts brusques. Taversées de plateau. Suspension de mouvements. Vitesse, ralentissement. Une chorégraphie de ruptures, de contrastes. Où l'harmonie s'attise de ces oppositions.

 

Et ça repart. Bras, doigts, visage... Tout de lui participe. En grâce, en puissance. De ses pieds, il frappe le sol et déchaîne les grelots qui enlacent ses chevilles. Le rythme embrase l'air. Et c'est dans mon corps que les percussions lui répondent. Contre ma peau qu'elles battent leur cadence. Dans mon sang.

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La deuxième partie, un duo avec la percussionniste japonaise Yoshie Sunahata. Une des musiciennes de la première partie. Mais aussi danseuse. Chanteuse. Mélange de puissance et de douceur énergique. De stabilité au sol et de délicatesse. Une femme aveugle, un homme, un bâton. Une voix qui chuchote par moments. Et la musique toujours. Mouvements à deux. En phase, dissociés. Une autre émotion. Plus souterraine.

 

Et de nouveau la grâce s'empare de l'instant quand Akram Khan se met à tourner sur lui-même. A tourner autour de cette femme au centre. Derviche dont l'élan s'interrompt sur une chute au sol. Abandon maîtrisé. L'immobilité après l'ivresse.

D'autres moments de suspension, comme ce tableau où le danseur tremble. Secousses vigoureuses. Tremble, tremble, tremble jusqu'à devenir une corde de musique. Diapason vibreur. Un corps en cordes.

 

 

Gracia Bejjani-Perrot

 

 

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Les photos sont © Richard Haughton 

 

Le 15 mai, c'était la dernière de Gnosis à Paris, au Théâtre des Abbesses. Mais pour les chanceux qui seront du côté de Montpellier en juin, deux dates se jouent encore. Les 23 et 24 juin, à l'Agora Cité internationale de la danse - Montpellier. Dans le cadre du Festival Montpellier danse 2010.

 

Akram Khan danse avec

• Yoshie Sunahata : percussions tambours taiko - danse - chant

• Faheem Mazahar : chant

• Sanju Sahai : tabla

• Soumik Datta : sarod

• Lucy Railton : violoncelle

 

Publié dans spectacle... vivant !

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• Musiciens post-modernes : les figures essentielles

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Tout comme le terme "impressionnistes", celui de "post-modernes" fut créé de toutes pièces par la presse, regroupant artificiellement des musiciens qui ne se reconnaissaient absolument pas dans ce terme.

 

Cependant, à l'inverse des peintres du "Salon des Refusés" qui surent se réapproprier le mot pour en faire une identité, les compositeurs "post-modernes" refusent obstinément une telle étiquette et pour la plupart ne se connaissent pas. Dans cette famille désunie, on peut néanmoins isoler quelques grandes caractéristiques : en premier lieu, un retour à la tonalité ; en second un retour à l'émotion, résolument taboue pour les séides de l'IRCAM.

 

On pourrait affirmer, sans crainte de commettre de contresens, qu'il s'agit d'une musique classique d'aujourd'hui, n'ayant pu être composée qu'à notre époque ; de la même manière que les partitions d'un Prokofiev n'auraient pu être écrites au temps de Mozart.

 

Écouter les musiciens post-modernes, c'est savoir oser l'inconnu de la rencontre et de la découverte. Ces compositeurs de génie, métissant parfois les langages et les styles, ne sont en aucun cas matraqués sur les ondes. Et pourtant, lorsque la Grande Halle de la Villette offre une carte blanche à Arvö Pärt ou à John Adams, la salle affiche complet.

 

 

 

La première fois que j'entendis parler de ce courant musical remonte à quelques vingt années. C'était un concert d'Arvö Pärt au Théatre de la Ville. Un choc. De ceux qui vous marquent à jamais. Je ne savais rien de cet homme, sinon qu'il était lituanien et que ses œuvres étaient jouées par d'immenses pointures du violon et du violoncelle. Et j'éprouvais une sorte de curiosité instinctive. Beaucoup ce soir là étaient dans mon cas. Intrigués, mais pas nécessairement gagnés d'avance.

 

À la sortie, ce fut la ruée sur les stands qui proposaient ses CD.  Le souffle, la présence du destin, l'incantation presque lyrique des instruments. En un mot comme en cent, la grâce. Porté par un langage résolument moderne, mais ancré dans la tradition. La plupart des œuvres d'Arvö Pärt ayant connu les honneurs du disque sont ses opus religieux, un peu austères, souvent inspirés de la polyphonie du Moyen Age. Ce ne sont pas mes préférées. Ses œuvres symphoniques me parlent davantage. Avec ces deux joyaux souvent réédités "Tabula Rasa" et "La Symphonie n°3", qui vous empoignent sans merci pour ne plus vous lâcher.

 

L'oreille en éveil, je fus désormais à l'affût de ces compositeurs qui m'étaient devenus précieux. Issu du minimalisme américain, Phil Glass fut longtemps connu pour ses musiques répétitives (mais ô combien fascinantes) popularisées au travers de nombreux films dont il écrivit la B.O. Mais un tournant radical s'opère au travers de ses musiques symphoniques, qui réalisent l'impossible fusion entre une modernité bien comprise, un minimalisme exigeant et de grandes envolées mahleriennes. Il suffit d'écouter sa symphonie "Heroes", éclatante de couleurs, ou son "concerto pour violon" qui vous met K.O. debout pour s'en convaincre.

 

 

John Adams, lui, est également issu du minimalisme, mais côté anglais. Dans ses œuvres symphoniques, pourtant, tout comme chez Phil Glass, ce dernier ne constitue qu'une des couleurs de sa riche palette. Son "Grandpianola Music" constitue pour moi une des œuvres les plus fortes d'aujourd'hui.

 

 

 

D'une tonalité sombre mais éminemment prenante la "symphonie n°3" de Gorecki connut un succès public étonnant (mais mérité) pour une œuvre d'une telle envergure et d'une telle exigence. Force m'est cependant de dire que ses autres œuvres, pour passionnantes qu'elles fussent, peuvent décourager l'oreille non aguerrie. Violentes, obscures mais poignantes, à l'image de "Quasi una fantasia".

 

 

 

Une tendance que partage souvent Michael Nyman, compositeur attitré de Peter Greenaway. Si ses "quatuors" sont d'une lumineuse évidence, ses œuvres pour piano demeurent d'une approche plus périlleuse, et pourront déconcerter l'auditeur distrait. On y trouve cependant des perles incontournables, même si l'on est plus proche ici d'un Messiaen ou d'un Dutilleux que d'un Sibellius ou d'un Rachmaninov.

 

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

Publié dans polyphonies

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• Turner contre Turner

Publié le par brouillons-de-culture.fr

S'il suffisait de s'inspirer des grands peintres des temps passés pour affirmer la force de son propre univers, Fernand Legros, faussaire génial du XXème siècle, serait à placer sur le même plan qu'un Picasso, qu'un Renoir ou qu'un Dali.

 

Deluge turner

Turner s'exerça fort longtemps à peindre "à la manière de", se désespérant de ne pas égaler la puissance de ses modèles. Force nous est de constater, en regardant les premières toiles de l'exposition "Turner et ses peintres"*, que le grand homme n'était probablement pas le plus doué des élèves en la matière. À l'exception d'un stupéfiant "Déluge", dans lequel on trouve quelques touches de ce qui constituera plus tard son univers, les tableaux "inspirés de" souffrent souvent de la comparaison avec leurs écrasantes sources d'inspiration.

 

 

 

Mais reprenons dès le début…

foule.jpg

De prime abord, nous nous félicitons de l'heureuse décision d'opter pour l'une des nombreuses nocturnes. Pas de ces interminables queues  qui rappellent étrangement le métro à l'heure de pointe. Pourtant, très vite nous devons déchanter : dans les salles proprement dites, on peine à circuler.

 

 

Une autre surprise nous attend. Elle est de taille : oublié l'immense peintre des tempêtes et des orages, des atmosphères viscéralement poignantes, où la forme bascule parfois jusqu'à devenir abstraction ; comme si le vent, le tonnerre, le navire devenaient un seul élément. Mis au placard le génial précurseur qui annonce tout à

la fois Manet et Jackson Pollock. 

Ce Turner-là est ici éclipsé au profit d'un Turner plus humble, qui gagne avec lenteur le centre du vortex d'où jailliront ses chefs d'œuvres.

 

Un Turner intimidé par les œuvres du temps passé, qui tente d'en capter l'essence, sans trop oser s'en démarquer. Comme si l'enfant entré à 14 ans à la Royal Academy voulait désormais ralentir le temps.

À 28 ans, il révise ses classiques. Et vers soixante, il tranche définitivement le cordon ombilical, opérant une rupture radicale avec les siècles passés, qui fera sa grandeur et sa célébrité.

 

 

Alors, vous demandez-vous, faut-il y aller ou non ? Il le faut, c'est incontestable. Pourquoi ?

joseph mallord william turner 012

 

 

Tout d'abord parce que c'est une leçon de vie. Devenir un grand homme, dans quelque domaine que se fut, ne se fait que fort rarement par l'opération du saint esprit, mais passe par de multiples trébuchements, erreurs, errances, hésitations . Il n'est jamais mauvais de le rappeler. L'accouchement d'un style ne va pas sans douleurs.

 

 

Secundo, parce que lorsqu'au détour d'un chromo anecdotique mal décalqué par Turner, on se prend de plein fouet un Poussin, un Rembrandt, un Titien, un Claude Lorrain ou un Véronèse, ça fait du bien par où ça passe. Au delà de l'esthétisme culturel, on est dans l'émotion pure.

 

 

Tertio, parce que c'est l'occasion unique de découvrir de petits maîtres David Wilkieoubliés (en tous cas inconnus de moi). Ainsi Van Ruisdael, dont les mers sombres contiennent un nombre de déclinaisons du noir à faire pâlir un Soulages. Ou Sir David Wilkie, peintre écossais dont les personnages possèdent une force d'expression peu commune. Ou Téniers, dont une toile m'a littéralement happé au détour d'une allée. Ou encore Lautherbourg, grand peintre des naufrages ; dans ses toiles on sent souffler le vent âpre, entend la mer en furie.

Sir David Wilkie

 

 

In fine, pour la dernière salle, où figurent les œuvres de la maturité. Ou Turner renonce enfin à être un autre, et peut ainsi devenir lui-même.

 

C'est à dire totalement unique.

 

turner neige

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme


*"Turner et ses peintres" - Grand Palais / Paris - du 22 février au 24 mai 2010

 


Publié dans plein la vue

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• A la bonne santé de la chanson française

Publié le par brouillons-de-culture.fr

L'omniprésente tyrannie sonore des chanteurs et chanteuses issus de la télé-réalité n'est à tout prendre pas pire que celle qui sévissait dans mes vertes années. Quand les C.Jérôme, François Valéry, Sheila et autres Frédéric François avaient mainmise sur les ondes, alors que dans l'ombre s'affûtaient les grandes plumes de la chanson française.

 

Il est vrai que depuis longtemps, cette dernière n'avait pas subi un tel choc frontal. Mais tout choc entraîne une réaction et vu l'ampleur de la déflagration, tout porte à croire que celle-ci se doive d'être de quelque importance. Et n'en déplaise aux fossoyeurs précoces de la variété haut de gamme (catégorie aléatoire qui inclut la chanson à texte), elle l'est effectivement.

 

À mille lieues du produit formaté, lisse et sans aspérités du tout-venant radiophonique, les auteurs de demain radicalisent leur démarche artistique et  s'organisent dans l'underground.

 

Leurs armes : une omniprésence sur le Net et dans les festivals, un nombre pléthorique de concerts dans de petites salles, histoire de faire "monter le buzz". Et si tous n'atteindront pas les plus hautes marches du podium, d'aucuns commencent déjà à émerger de cette vague souterraine. L'indice de température du buzzomètre ? Lorsqu'un chanteur ou un groupe passe dans des salles de plus en plus grandes … et de plus en plus remplies. Du "Café des Sports" à la Maroquinerie et de la Maroquinerie à l'Européen. Il y aura bien sûr une phase de latence, avant que les radios ne se penchent sur son cas. Mais la moitié du chemin vers la gloire médiatique sera déjà accomplie.

 

alister.jpg

Alors oui, cette chanson-là ose. Se permettre des digressions surréalistes dignes d'un Thiéfaine, tout en égratignant l'époque, comme Alister ou Gaspard La Nuit (qui semble se réclamer ouvertement du maître dans la chanson "Johnny Deep").

 

GASPARD-LA-NUIT.jpg
 

Osciller entre blues, opéra baroque et chanson à texte comme Claire Diterzi.

Pratiquer l'humour noir et l'humour absurde comme Monsieur Lune.

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User sans modération de métaphores abrasives comme De Rien ou le Cirque des Mirages.

 

ThibautDERIEN_VisuelAlbum_big.jpg

 

 

Accoupler la chanson à texte et le meilleur du rock alternatif comme Beautés Vulgaires.

 

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Pour n'en citer que quelques uns. C'est cette chanson-là qu'il nous faut défendre, becs et ongles, en participant à sa reconnaissance.

 

Parce qu'en elle s'exprime la vitalité d'une variété qu'on dit moribonde.

Parce qu'elle représente, dès aujourd'hui, une alternative crédible au Rien surmédiatisé.

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans polyphonies

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• Haut lieu de poésie

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Nos amis et les visiteurs occasionnels, quand ils le découvrent parfois s'en étonnent : les toilettes sont chez nous haut lieu de poésie.

Bien sûr, nous ne sommes pas sectaires, et dans la bibliothèque bis des latrines, on peut trouver en vrac des magazines de rap et de cinéma, des ouvrages de philosophie, des polars, des livres de correspondance. Mais ce qui frappe essentiellement, c'est l'omniprésence de la poésie. Poètes morts et vivants, classiques et contemporains, souvent glanés au hasard des soldeurs.

 

En ce siècle marqué par une simplification à outrance, souvent proche du simplisme, qu'il est bon de retrouver la complexité fraternelle et porteuse de sens de l'écriture métaphorique. Espace de rêve, d'utopie, de révolte, de réflexion sur un espace souvent court, la poésie demeure, au vu de ces qualités intrinsèques, la lecture la plus adaptée à cette pièce exigue, transformée par la grâce de quelques vers en petit temple de l'esprit.

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Aussi ai-je toujours, en sus du roman en cours, quatre ou cinq recueils sur le feu dans mon bien-aimé isoloir. Haut lieu de poésie.

Loin des rumeurs du monde, j'explore ces temps, alternativement, "kaddish" d'Allen Ginsberg, "La terre du sacre" de Jean-Claude Renard, "Tristesse ô ma patrie" de Pierre Emmanuel et "Le contre-ciel" de René Daumal.

 

 

"kaddish" est tout de même à mon sens un cran au dessous de "Howl", la bible de la génération hippie, d'une puissance de feu permanente. Le premier texte paraît à priori décalé. Ginsberg raconte sa mère, son enfance sous une forme qui tient presque du journal intime, et ne s'apparente à la poésie, la plupart du temps, que par ses rythmes syncopés. Mais nous ne sommes pas ici chez le premier plumitif venu. Cette "confession" d'une clarté presque dérangeante rend proprement bouleversants les poèmes qui suivent, notamment "Hymne" consacré à sa mère Naomi, et les pépites se succèdent, dans un faux désordre échevelé :

 

"Maintenant frères bien aimés je peux enfin parler avec vous

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            d'une lune inconnue

des Vous réels blottis dans une forme quelconque parmi les

            Vapeurs platoniques de l'Eternité

Je suis une autre Étoile.

Mangerez-vous mes poèmes ou les lirez-vous

ou regarderez-vous avec des plaques d'aluminium aveugles

            les pages aveugles sans soleil ?

Rêvez-vous ou traduisez-vous et acceptez-vous les énoncés

            avec des langueurs indifférentes d'antennes ?"

 

 

Quand André Breton lui proposa "d'intégrer" son groupe le Grand Jeu, René Daumal lui répliqua que c'était "Le Grand Jeu" qui assimilerait le surréalisme. La prophétie s'avéra fausse, mais la réponse ne manquait pas de panache. Cette anecdote fait écho à l'écriture de Daumal, slalomant intelligemment entre l'héritage de Dada et un versant plus charnel, plus viscéral, témoignant d'un combat permanent contre sa part obscure et celle de toute l'humanité.

 

le-contre-ciel.jpg"Ne parlez plus du cœur !

Votre langue est pourrie et votre souffle froid,

vos regards vides regardent la nuit

des mondes morts accouplés emplissent vos yeux,

ne parlez plus dans l'air des hommes.

Essayez seulement de sourire,

vous entendrez gémir tous vos os calcinés"

 

Rien à dire, ça a de la gueule et du souffle ! En tous cas moi ça me parle …

 

 

 De Jean-Claude Renard, j'avais lu "Métamorphoses du monde", tout imprégné de chrétienté, mais porté par le souffle prodigieux d'une écriture volcanique. "La terre du sacre" en est aux antipodes. Ce n'est pas une poésie qu'on dévore à grandes bouchées voraces. Plutôt quelque chose que l'on savoure à petites doses, en gourmet, un peu comme un vieux cognac, sans précipiter le mouvement, mais en prenant à chaque gorgée grand plaisir.

 

terre du sacre"Pays quittés,

             je gagne les ravins en quête d'une piste promise au pur

silence, à l'empreinte faste qui s'efface …

             Où le froid même importe peu

             - sauf qu'à l'impromptu m'y saisissent les premières laines du secret"

 

 

 

Quant à Pierre Emmanuel, c'est pour moi une des plus grandes injustices de la langue française. Voila un poète doté d'une langue impeccable, éblouissante, presque classique, subvertie de l'intérieur par des images fortes qui se télescopent. Pas assez moderne dans la forme ? Trop imprégné de spiritualité ? Toujours est-il qu'il ne semble connu que de quelques "spécialistes". J'ai découvert sa plume au hasard d'une revue. Depuis, il n'est pas rare que je tombe, chez un soldeur, sur un ouvrage dudit. Écoutez cette langue riche en métaphores :

 

"Il luttait à contre-courant avec son ombrepierre_emmanuel_blog.jpg

-ô souvenir ! les pluies obliques dans le sang …

Battu par la bourrasque aveugle des passants,

il se reconnaissait en chacun d'eux ! son âme

éparse en mille vies sans âme, le fuyait."

 

Bien sûr, à moins que vous ne hantiez comme moi bouquinistes et soldeurs, vous aurez du mal à trouver des livres de Pierre Emmanuel en librairie. De Jean-Claude Renard peut-être avec un peu de chance. Mais vous pouvez toujours vous procurer Ginsberg et Daumal, ce sera toujours ça de pris …

 

Voilà, c'est dit …

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans peau&cie

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• Téléréalité, quelle réalité ?

Publié le par brouillons-de-culture.fr

S'il n'y a pas de rubrique "télé" sur brouillons de culture, ce n'est pas hasard ou quelconque oubli. Notre télé ne sert qu'en écran, support de DVD. A tel point que, quand un neveu débarque, on s'empêtre sans succès à trouver une chaîne qui fonctionne par le boîtier free. On n'a rien compris, même si on a free.

 

Je vais malgré tout parler de télé. Étrange choix. Pour mon 2° billet, comme pour le premier, je surfe sur un sujet étranger à mes amours. Voies indirectes que j'emprunte pour parler encore une fois de "ce qui entoure".

 

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Mais de quoi donc ? Télé-REALITE, quand tu nous tiens ! J'aimerais revenir sur des phrases souvent entendues :

"Mais c'est au second degré, au troisième degré !"...  "Je n'en rate pas une, d'émission, sauf rares exceptions, mais toujours au second degré !"... "Ben, moi je regarde, mais au second degré !" 

 

Que de fois ces parades m'ont été servies en protestation à mon étonnement. Oui, pardon, excusez-moi, soyez clément, oui ça m'étonne qu'on puisse passer sa soirée devant ce type d'émission. J'en ai vu quelques unes pour ne pas mourir idiote. ça n'a fait qu'accentuer ma stupeur. Si ce n'est pas l'engouement qui prête main forte à la télé réalité ! Quand on sait le panel des autres occupations possibles ? J'ai encore le droit de m'étonner ? D'avoir envie d'en parler ?

 

 

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Je n'écrirai pas sur la télé réalité, mais sur ces phrases ! Ces positions, ces détours par les "degrés". Au second degré ! et quoi encore ? Seule la colère me vient alors. Je n'y peux rien, un coup de sang contre ces inepties ; dangereux aveuglement ou mauvaise foi, que sais-je !

 

A me demander si je ne préfère pas les spectateurs qui assument leur premier degré. Ou le degré zéro. Qui regardent quoi ! Et ne se sentent pas obligés de passer pour intelligent, détaché.

 

 

Sous prétexte de second, de troisième degré, on se met (tous) à tout regarder. A récuser tout esprit critique. A minimiser. A rejeter toute réflexion par cet argument = le second degré. Comme un passe droit à n'importe quoi. Dedans et dehors à la fois. Même acabit que "c'est pour rire" et toutes ces expressions fourbes de notre langue...

 

A se complaire dans le spectacle du médiocre, à se gausser de ces personnages qu'un animateur malin ridiculise... ou humilie.. ou glorifie... même panier tout ça. Espace de projection : par adhésion ou en rejet. Même adhérence malgré les degrés.

 

Et comme si ça ne suffisait pas, on en parle le lendemain entre nous, le clan de "ceux qui regardent". Et le surlendemain. On en reparle, on rajoute du commentaire sur du blabla, comme s'il y avait matière à commenter !

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Et ça créé des souvenirs, des références communes. Une "culture" ? Récits des temps modernes... l'art du spectacle serait-il tombé si bas ? 

 

Premier, second, ou dixième degré... : si on regarde, on regarde. Pourquoi se voiler la face ?

 

A suivre régulièrement ces émissions, quelque chose s'installe en nous, à notre insu. Je ne peux pas imaginer le contraire. Ou alors je manque d'imagination. De second, de troisième degré.

 

Gracia Bejjani-Perrot

Publié dans tout y passe

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• Points à la ligne

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Une personnalité forte, qui transparaît au gré des interviews. Une plume régulièrement classée, depuis quelques années déjà, parmi les révélations littéraires. Tout semblait à priori réuni pour que j'aime le dernier livre de Marie N'Diaye, couronné par le Prix Goncourt.

Depuis longtemps, je m'étais promis de lire cet écrivain. Mais croulant sous l'ampleur de livres à dévorer, je remettais toujours cette promesse à plus tard.

Ndiaye

J'ai lu "Trois femmes puissantes" et je tombe des nues. Quoi, ce n'était que ça ? Bien sûr, au fil des pages, si toutefois l'on parvient au terme de l'ouvrage -mais je suis un lecteur tenace-, se dessinent des personnages qui ne manquent ni de densité ni d'intérêt. Mais le fait est indubitable : c'est une lecture épuisante, précisément en raison de ce qui fut tant vanté ces dernières années : le style, lourd et labyrinthique. Des phrases interminables, d'une valeur littéraire contestable, dont le point ne surgit parfois qu'au terme d'une page et quinze lignes. Du coup, on peine parfois à se souvenir du point de départ d'une telle logorrhée.

 

 

On pensera sans doute, au vu de ce qui précède, que je suis allergique à toute forme de modernité en littérature. Loin s'en faut … Toutefois n'est pas Proust, ni même Ravalec ou Imre Kertesz qui veut …

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Imre Kertesz est l'un des prix Nobel de Littérature de ces dernières années. De lui, j'avais lu le prodigieux "Etre sans destin", lecture secouante s'il en est, d'une écriture affirmée mais classique. Rien ne me préparait donc au choc de "Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas". Plus de cent pages écrites pratiquement d'un bloc, où la virgule remplace souvent le point. Mais ici, on est soulevé par un souffle quasi poétique.

 

Certes la lecture n'en est pas toujours reposante et ne s'impose pas aux lecteurs pressés. Mais notre assiduité sans cesse se trouve récompensée. Chaque fois que notre attention tend à se relâcher, qu'on éprouve la tentation de vouer aux gémonies cet auteur qui respecte si peu notre confort de lecture, on est cueillis au plexus par une réflexion d'une profondeur inouïe, par une phrase qui tout en vous questionnant vous laisse bouche bée d'admiration, émerveillés par une phrase que l'on rêve de pouvoir recaser dans une conversation, histoire de faire intelligent.

 

En bref, tout le contraire de "Trois femmes puissantes". La différence s'appelle peut-être tout simplement la Littérature …

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

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