Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

• BD en bref : Kraa, la vallée perdue

Publié le par brouillons-de-culture.fr

benoit-sokal.jpgAprès un long détour par le jeu vidéo, Benoît Sokal a retrouvé les chemins du neuvième art.

 

Mais il y a le Sokal qui livra avec l'inspecteur Canardo (19 volumes parus à ce jour) l'une des plus grandes séries policières animalières qui soit. Nihiliste et réjouissant, changeant de cap d'un album sur l'autre.

 

kraa_vallee-perdue_BD.jpgEt le Sokal moins connu, tel qu'il apparut un jour aux lecteurs de Métal Hurlant. Qui revit le jour avec "Sanguine". Dont chaque planche est une œuvre d'art.

 

Kraa, la vallée perdue (Casterman) est de cet ordre-là. Porté par un récit prenant et émouvant. Thriller chamanique qui raconte la complicité d'un jeune ado et d'un aigle. Mais également histoire de vengeance et western écologique dans les paysages sibériens. Le premier album est incontournable. Vivement le second tome !

 



Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

Publié dans brèves de culture

Partager cet article
Repost0

• Vincent Ravalec et Xabi Molia : poètes résolument modernes

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Ravalec-2.jpgAu XIXème siècle, Rimbaud affirmait qu'il fallait être "résolument moderne". En dépit d'une quasi homonymie, mode et modernité s'opposent bien souvent. Certains poètes du temps jadis demeurent aujourd'hui même d'une modernité renversante. Qu'ils n'eussent pu conserver s'ils s'étaient contentés de suivre la lubie du moment. Bien des contemporains s'essoufflent à suivre le "mot d'ordre" rimbaldien. Mais répondent aux sirènes de la mode plus volontiers qu'ils n'empruntent la voie étroite de la modernité.

 

Rares sont ceux qui, comme Xabi Molia et Vincent Ravalec, RAVALEC-3.jpgparviennent à surmonter la difficulté. Extraire la part d'universel de la vie de nos contemporains. Parallèlement, savoir en isoler le caractère unique. Parler d'un aujourd'hui fluctuant sans pour autant se laisser enfermer dans cet objectif. Tel est sans doute aujourd'hui "être résolument moderne". Cela exige une justesse du regard et du langage. Pouvoir voir dans et au-delà, en un même mouvement.

 

Lecteur assidu des romans de Vincent Ravalec, moins friand de ses nouvelles à mon  sens inégales, j'étais perplexe face à sa veine poétique. Combien de grands romanciers furent de piètres poètes et de très grands poètes des romanciers douteux. "Une orange roulant sur le sol d'un parking s'illuminant tranquillement de toutes les couleurs de l'univers" avait à priori davantage de quoi me déconcerter que me séduire. Car l'objet ne se laisse pas apprivoiser facilement. Graphisme pop art, phrases éclatées dans tous les sens… éléments qui laissent généralement augurer d'un texte où la forme importe plus que le sens.

 

Une-orange-Ravalec.jpgErreur ! La poésie de Ravalec n'a rien d'un hiéroglyphique laboratoire des mots. Elle prend au cœur et aux tripes, s'insinue dans nos neurones avec une belle insolence. On y retrouve certaines des obsessions du Ravalec romancier, mais portées à la puissance dix, à l'état brut, quasiment dépouillées des oripeaux du récit. Une orange roulant sur un parking, un  SDF se mettant à chanter peuvent y prendre une dimension métaphysique et purement poétique.

 

Cette nuit-là

Les dieux inventèrent les mensonges

Les pistes de danse

Et le son diffus

Du tambour et de la chance

Ils décrivirent le temps

Comme une roue absente

Déserte et creusée de silence

 

ravalec.jpgLe basculement du quotidien le plus banal vers les hauts vertiges de l'inconnaissable : un fil conducteur de nombre des romans de l'auteur, mais dont il imprègne ici chaque page, avec une verve intarissable. Long poème qui s'élance vers le plus haut de l'homme, sans pourtant jamais zapper ce réel où nous vivons. Qu'il prend à bras le corps pour l'emmener ailleurs. Alternant prose, vers libres et passages rimés, Ravalec impose sa propre règle du jeu, que le lecteur acceptera sans réticences.

 

Dans une maison du Marais

assis sur le seuil

un squelette

attend une ouverture

dans un pli du futur


Réflexion bouleversante sur la place de l'homme dans l'univers, le poète ne s'interdit ni l'hermétisme - bref instants précédant un souffle, une lumière- ni le vers de mirliton -sporadique jeu avec les mots, avant de reprendre sa quête du plus profond et du plus vrai.

 

Le présupposé de l'énoncé

indique qu'il faut considérer

comme plausible l'hypothèse

d'une croissance exponentielle

à travers l'espace et les siècles

de cet instant brisé (…)

 

Oui, Ravalec est profondément ancré dans le XXIème siècle. Il l'est aussi dans sa nature transgenre, explorant des modes d'expression aussi différents que le roman, la poésie, la chanson, ou le cinéma. Ce dernier trait, il le partage avec le grand Xabi Molia, poète, romancier, cinéaste d'importance .

 

xabi-molia-582.jpgLe succès de "Huit fois debout", son premier long, a quelque peu éclipsé la révélation que fut, pour certains "État des lieux". Recycleur de génie, Xabi Molia se nourrit de ces infra-langages par lesquels se formule notre vie quotidienne : prose journalistique, modes d'emplois, jargon informatique et discours politiques. Pour mieux les filtrer au tamis de sa prose poétique, riche en humour et en métaphores.

 

L'ouverture inconsidérée d'une mémoire peut réserver à son utilisateur une série de désagréments allant de l'occlusion d'un sinus au cataclysme final. On ne saurait ainsi que conseiller audit utilisateur la plus grande prudence.

 

Xabi Molia parle de légendes mortes, de retour à l'ordre, d'une xabi-molia-txikia.jpgsurinformation qui noie l'essentiel sous un amas de futilités, de la difficulté d'oser. Subversif, corrosif, il n'hésite pas à se placer, dans certains textes, du point de vue de l'oppresseur :

 

Sous ma juridiction, les écrivains seront parqués dans d'étranges tours circulaires, dont seraient perdus la clé des portes et l'emplacement des portes

 

Cycle de l'ordre : voilà où nous en sommes

À réclamer bâtons, autorité  D'autorité la préférence pour le cercle

Le danger crie partout : c'est le nouveau refrain, le tien Chaque geste un délit

 

Vers libres et proses s'alternent, s'enchevêtrent parfois. Les styles se jouxtent et se superposent. Les poèmes demeurent le plus souvent sans titre, comme si les miroirs de l'époque ne pouvaient être nommés. Par-delà ce qui est dit, Xabi Molia met en relief cette part d'indicible, de cris non-formulés qui jalonnent la vie de ses contemporains. Et n'hésite pas, dans la révolte, quand il le faut, à parler clair

 

La police aux frontières a la pression du résultat

Le taux de reconduite est inférieur à vingt pour cent

Mariame Getu Hagos, un Éthiopien de vingt-cinq ans,

Meurt dans son siège pressé, la nuque vers le bas

 

9782070773978.gifLa rage de Xabi Molia est cependant rarement ostentatoire. Elle garde une forme de pudeur, comme pour mieux s'ériger contre l'obscénité de l'époque, où tout s'étale et se dit jusqu'au trop plein, au-delà de la satiété.

Aussi n'est-il pas étonnant qu'il use parfois de l'humour noir pour parler d'amour

 

J'ai tiré sur ta peau comme sur un emballage, mal ajusté, flottant, et qui pourtant n'a pas cédé. J'ai tiré, mais des siècles

Accroupi sur le lit j'ai défait ma ceinture et puis, sans te gifler, je l'ai posée à côté de ta robe. Ne me regarde pas

Nus c'est encore l'intimité des sarcophages

 

Ainsi chacun à sa manière, déphasée, décalée, admirable, Xabi Molia et Vincent Ravalec sont incontestablement fidèles à l'injonction du poète du "Bateau Ivre". Leur modernité nous touche comme la lettre d'un proche, qui nous conte ses explorations dans les forêts du langage.

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans peau&cie

Partager cet article
Repost0

• Julien Beneyton : peindre vrai

Publié le par brouillons-de-culture.fr

orelsan.jpgJulien Beneyton peint vrai. Sans se laisser happer par les sirènes de l'hyperréalisme qui, passé l'effet de surprise - est-ce une photo ou un tableau ? - se révèlerait rapidement un brillant mais vain exercice de style. Sans sacrifier aux dieux de l'abstraction, terre d'exploration qui s'avère limitée quand on ne possède pas le génie d'un Delaunay ou d'un Kandinsky.

 

 

Il faut pour cela inventer un autre langage, envisager autrement le figuratif. Et la tâche n'est pas à portée de tous. C'est avec une décomplexion qui ne manque pas de panache que depuis quelques années s'y attache Julien yoshi.jpgBeneyton. Le trait est précis, incisif, ancré dans une contemporanéité qui relève de l'évidence. Mais on le sait, tout ce qui semble couler de source découle d'un travail, d'une réflexion.

 

Beneyton mixe de nombreux styles qu'il transforme en sa griffe unique, reconnaissable au premier coup d'œil. Il ne s'y soumet pas. Mieux, il les dompte pour les engager dans sa direction. Ce qui exige une volonté de fer. S'il absorbe quelques effets de l'hyperréalisme, il les percute aussitôt avec des emprunts à l'art naïf. S'il intègre l'univers du graph, c'est pour mieux l'amener sur son propre territoire. Ses tableaux fourmillent de détails, qu'on ne peut embrasser d'un seul regard, et qui disent notre réalité sans fard.

 

Définir Julien Beneyton comme un Douanier Rousseau qui aurait rencontré Basquiat et Norman Rockwell serait un raccourci tentant.

50cent-d.jpg

Mais ne saurait en résumer le style, tant celui-ci demeure unique. Portraits vérité fourmillants de vie, fresques des rues new-yorkaises ou de semi-bidonvilles, rappeurs saisis au plus vif de l'instant, en concert ou dans leur intimité.

Ou sculpture de SDF endormi sous des cartons et entouré d'objets, si réaliste que j'ai un temps cru qu'on avait squatté le lieu de l'exposition.

 

Julien Beneyton multiplie les talents. Il nous donne à voir et à réfléchir, au travers du miroir abrupt de ses toiles. Lesquelles sont en trois dimensions, les côtés révélant des détails, anecdotiques ou essentiels, qui enrichissent et éclairent parfois son "état des lieux".

 

breakers.jpgEn un mot précipitez-vous à l'expo qui lui est consacrée à la Maison des Arts de Malakoff. Le cadre est agréable. Le choix d'espacer les tableaux, de les laisser "respirer" permet de prendre son temps pour entrer dans l'univers de l'artiste. Le nombre d'œuvres exposé peut nous laisser sur notre faim, mais il permet également de prendre le temps de voir chacun des éléments qui composent les toiles. Ce qui n'est pas à négliger, une seule vision ne saurait tous les embrasser…

 

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

  .............................................................................

 

Pour plus de détails sur l'exposition voir ICIphotobeneyton.jpg

 

Julien Beneyton  - A la régulière

15 janvier - 27 mars 2011

entrée libre  

 

Maison des Arts de Malakoff

105, av du 12 février 1934 - 92240 Malakoff

Métro : Malakoff-Plateau de Vanves

mercredi au vendredi de 12h à 18h - samedi et dimanche de 14h à 19h

Tél. : 01 47 35 96 94

maisondesarts.malakoff.fr

julienbeneyton.net

Publié dans plein la vue

Partager cet article
Repost0

• Je hais la musique.

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Bosch18.jpgJe hais la musique. La musique que j'aime tant. Devoir subir ce bruit de fond que devient la musique, quand elle n'est pas écoutée. D'espace en espace, la même poursuite infernale, seul le rythme change. Harcèlement permanent que ce fond sonore.

Fond sonore.

Quoi de plus laid qu'un tel concept ? Quel fond ?

Pour parfaire le tableau, des écrans à présent.

Que de restaurants, de lieux publics... où les télévisions -grand écran SVP, ultra Ensor_OK.gifplat- diffusent clips ou films. Des images défilent sans texte, sans voix, puisque la musique s'acharne en parallèle. Cinéma muet façon XXI° siècle. Ni radio, ni télévision, mais des engins à fabriquer du bruit, des  formes. Partout, sans relâche. Je hais la musique. Rejet épidermique qui me submerge de violence.

fussli_silence.jpg

Tout pour que le regard ne rencontre jamais le silence ; pour que les oreilles ne se reposent guère. Au point de s'étonner quand résonnent nos voix dans un restaurant aphone. Devenus fantômes à nous-mêmes tant nos sens sont saturés...

Illustrations :
© Bosch

© Ensor
© Fussli

Gracia Bejjani-Perrot

Publié dans tout y passe

Partager cet article
Repost0